1970 - Le «Garde» devient «Agent»

De garde à agent de conservation de la faune

 

Le 12 décembre 1969, la Loi de la conservation de la faune est adoptée par le gouvernement du Québec et remplace dès lors la Loi de la chasse et la Loi de la pêche. Avec l’entrée en vigueur de cette nouvelle législation, le Service de la protection de la faune devient le Service de la conservation de la faune. De plus, les responsables de l’application des règlements en matière faunique ne sont plus appelés « gardes-chasse/ gardes-pêche » mais plutôt « agents de conservation de la faune ».

 

Ce changement de terminologie révèle une toute nouvelle réalité comparativement à celle qui prévalait durant les années ’50 et ’60. Dorénavant, les mandats de l’agent ne sont plus seulement axés sur la répression des activités illégales concernant la chasse et la pêche, mais aussi sur la prévention et la sensibilisation du public. Cette nouvelle vision du Service de la conservation sera notamment concrétisée par la mise en oeuvre de l’Opération accessibilité.

 

Création de réserves fauniques et embauche massive

 

Vers la fin des années ’60, un fort mouvement de contestation s’opère face à la présence des clubs privés de chasse et de pêche au Québec. S’inspirant peut-être du célèbre « Maîtres chez-nous » de Jean Lesage, plusieurs pêcheurs et chasseurs s’insurgent qu’une bonne partie du territoire québécois est à l’usage exclusif de seulement quelques milliers de personnes généralement fortunées. En fait, à cette époque, 77 700 km2 de territoire québécois sont loués par le gouvernement à quelque 2 200 propriétaires de clubs privés qui offrent à leurs membres, grandement privilégiés il va s’en dire, de luxueuses activités de chasse et de pêche. N’ayant aucunement accès à ces territoires exclusifs, une grande majorité de Québécois se révoltent devant le fait que le territoire public s’avère de plus en plus exigu pour le nombre croissant d’utilisateurs.

 

Malgré l’instauration de quelques réserves de chasse et de pêche à gestion déléguée au milieu des années ‘60, les pressions populaires s’amplifient en 1969 et 1970. Voulant réagir rapidement, le gouvernement met en place en 1971 l’Opération accessibilité dont l’objectif principal consiste à accroître l’accès au domaine public tout en élaborant une protection et une gestion adéquate des ressources fauniques. Une centaine de clubs privés sont donc abolis afin de créer quatre réserves fauniques de chasse et de pêche accessibles à tous.

 

Au même moment, le gouvernement procède à l’embauche d’une centaine d’agents de conservation de la faune pour tout le Québec. Suite à cette opération, tous les agents reçoivent une formation à l’Institut de police de Nicolet entre 1975 et 1977 visant à harmoniser les techniques de travail et à étoffer les connaissances juridiques de ces derniers.

Les clubs privés

 

Les agents ne font pas que patrouiller les réserves fauniques et le territoire public. Ils exercent aussi une surveillance à l’intérieur même des nombreux clubs privés.

 

C’est en 1858 que la législature du Bas-Canada adopte la pratique de céder par bail à des personnes ou à des entreprises le droit exclusif de chasser et/ou de pêcher sur certaines parties du territoire public. Cette façon de faire atteint son apogée entre 1945 et 1952 où l’on assiste à la prolifération de ces clubs privés. Les gestionnaires de ces lieux hautement convoités ne doivent satisfaire que deux conditions afin de respecter le bail signé avec le gouvernement : payer le loyer convenu (généralement moins de trois dollars par mille carré loué en 1945) et assurer la protection de leur territoire en y embauchant un gardien à l’année. Quoique nous puissions remettre en question aujourd’hui la légitimité et la pertinence d’une telle politique de location, celle-ci s’avère à l’époque le meilleur moyen de protection de la ressource faunique aux yeux de la classe politique et de la bourgeoisie comme l’explique M. Charles Frémont dans un ouvrage sur la chasse et la pêche publié en 1946 :

 

« Il semble généralement admis que cette politique a été des plus sage et que sans ces clubs nous aurions à regretter la ruine complète de tous nos territoires, lacs et rivières d’accès facile. Ce sont eux, à vrai dire, qui ont sauvé la situation. Avec ces territoires sous bail, nos parcs et nos sanctuaires, nous avons pleinement confiance que tout ne sera pas détruit, même si les déprédations des braconniers ne peuvent être contrôlées suffisamment sur les terres libres de la couronne. »

 

Nous pouvons croire qu’à une certaine époque, la mise sur pied de clubs privés a peut-être contribué à la préservation de certains territoires fauniques. Mais avec l’arrivée des années ’60, alors que commence à s’organiser au Québec une protection adéquate des ressources fauniques, les clubs privés prennent plus l’allure de vastes terrains de jeu réservés à l’usage exclusif de personnes généralement fortunées que de territoires voués à la protection de la faune.

 

Avec le début des années ’70, tandis que le Service de la conservation de la faune possède beaucoup plus d’effectifs, les clubs privés de Lanaudière et des Laurentides font l’objet d’une étroite surveillance parce que beaucoup d’activités de braconnage se pratiquaient en ces lieux souvent retirés des zones habitées. Se sachant à l’abri de tout regard indiscret, certains membres de clubs en profitaient pour s’adonner, entre autres, à la chasse de nuit et à la pêche avec des engins prohibés. Et même si des gardiens sont engagés afin de faire respecter les règlements, les propriétaires ainsi que leurs membres font rarement l’objet d’arrestation. En fait, seuls les non-membres qui osent s’aventurer en ces lieux sont ardemment poursuivis. C’est pour cette raison que les agents de conservation de la faune de cette période portent une attention particulière aux clubs privés.

 

Avec l’arrivée au pouvoir en 1976 du Parti québécois et à la demande d’un grand nombre de pêcheurs et de chasseurs, tous les clubs privés seront abolis en 1978 pour être remplacés par des zones d’exploitation contrôlée (Z.E.C.) dont la gestion est assurée par des organisations locales de chasse et de pêche. Cinquante-cinq Z.E.C. sont alors créées à travers tout le Québec.